Discours pour le projet de loi C-59

Présentation devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU)

Pierre Blais, président, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS)

Chantelle Bowers, directrice exécutive intérimaire, CSARS

Mardi 6 février 2018

Bonjour et merci de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui pour parler du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale. Mon allocution portera sur deux domaines principaux : la première partie exposera la réponse de haut niveau du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) au projet de loi. Dans la deuxième partie, je ferai quelques suggestions pour améliorer le libellé du projet de loi en fonction de l’expérience du CSARS dans ce domaine.

C’est une étape positive qui nous permet de nous pencher sur l’examen et la responsabilisation en matière de renseignement au Canada. Il y a peu de temps, j’étais ici pour discuter de la création d’un comité de parlementaires dans le contexte du projet de loi C-22. Je suis une fois de plus ici pour parler de la proposition du gouvernement de créer l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR), qui sera chargé d’examiner les activités de renseignement et de sécurité nationale à l’échelle du gouvernement. En effet, conformément au projet de loi devant vous, l’OSSNR examinera toute activité exercée par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), l’exercice par tout autre ministère ou organisme de ses activités liées à la sécurité nationale ou au renseignement, et toute autre question liée à la sécurité nationale dont il est saisi par un ministre. Ce qui nécessite un examen spécial de la sécurité nationale du type que le CSARS effectue depuis plus de 30 ans auprès de nombre d’autres ministères et organismes, notamment l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’on pourra ainsi corriger les lacunes que tant de personnes, y compris le CSARS, ont commentées pendant des années.

En soi, le nouveau comité de parlementaires ou Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) marque une nouvelle ère pour la reddition de comptes au Canada. Lorsque des représentants de l’OSSNR et le nouveau commissaire au renseignement y feront partie, il s’agira d’un changement important dans le système de responsabilisation en matière de renseignement au Canada.

Avant de passer à autre chose, j’aimerais prendre une minute pour décrire le mandat et les responsabilités du CSARS au comité. Je soulignerai surtout que le CSARS est un organisme d’examen externe indépendant qui rend compte au Parlement des activités du SCRS.

Le CSARS a trois responsabilités principales : effectuer des examens approfondis des activités du SCRS, mener des enquêtes sur les plaintes et certifier le rapport annuel du directeur du SCRS destiné au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Essentiellement, le CSARS a été créé pour fournir au Parlement et, par extension, aux Canadiens, l’assurance que le SCRS mène des enquêtes et signale les menaces pour la sécurité nationale dans le respect des lois et des droits des Canadiens.

Le CSARS s’est acquitté fidèlement de son mandat au cours de son histoire et il a eu un impact. Cela a été démontré récemment par la décision de la Cour fédérale rendu en octobre 2016 confirmant la pratique de longue date du CSARS d’évaluer la légalité des activités du SCRS, y compris la façon dont le SCRS applique le seuil « strictement nécessaire » pour recueillir et conserver l’information. Grâce à son travail d’examen, le CSARS a contribué à des discussions générales sur le type de renseignements que le SCRS peut recueillir et conserver, comme nous le constatons dans les dispositions sur l’ensemble de données du projet de loi C-59.

Mais, la loi précise clairement que l’OSSNR est une entité entièrement nouvelle, qui ne sera pas créée par le CSARS ni par le bureau du commissaire du CST, lesquels seront dissous à la création de l’OSSNR, mais par la volonté de faire progresser la reddition de comptes au Canada. Le CSARS, de concert avec ses partenaires et ses homologues du milieu de l’examen, réclame depuis longtemps un changement de cette nature qui permettra d’éliminer les cloisonnements ayant entravé l’examen pendant si longtemps.

Lorsque la décision a été prise au Canada il y a plus de 30 ans de créer le CSARS, elle représentait l’une des meilleures réflexions sur la responsabilisation en matière de renseignement. Mais c’est une nouvelle ère, avec de nouveaux défis pour la reddition de comptes. Le Canada a l’occasion de se façonner à nouveau après avoir réfléchi à la reddition de comptes, en tenant compte de l’expérience importante des autres. En ce qui concerne l’élément parlementaire de la reddition de comptes, cela signifie la création d’un comité de parlementaires. Je suis heureux que le gouvernement ne se soit pas arrêté à la création du CPSNR et qu’il ait accordé une attention égale à l’examen d’experts.

Sur le plan international, nous pouvons voir nos alliés ajouter de la substance aux structures d’examen et de surveillance responsables de la sécurité nationale. Au Royaume-Uni, un nouveau Investigatory Powers Commissioner’s Office (bureau du Commissaire aux pouvoirs d’investigation) a été mis sur pied. En Nouvelle-Zélande, l’importance de l’inspecteur général a doublé. Et, en Australie, l’élargissement de la taille et des attributions de l’inspecteur général pour le renseignement fait l’objet de discussions actives.

Les délibérations du Canada sur la responsabilisation se déroulent à un moment où la réflexion sur la reddition de comptes des organismes du renseignement a évolué, ce qui se traduit par des attentes de transparence accrues chez le public. À cette fin, l’une des grandes forces du projet de loi est la disposition qui permet à l’organisme de publier des rapports spéciaux lorsqu’il estime qu’il est dans l’intérêt public de rendre des comptes sur toute question liée à son mandat. Le nouvel organisme transmettra ces rapports au ministre compétent, qui devra ensuite les faire déposer devant chaque chambre du Parlement.

Cela permettra au nouvel organisme de signaler un problème important au ministre et au public en temps opportun. Le CSARS n’est actuellement pas en mesure de le faire, ce qui a limité sa capacité de présenter les résultats de ses activités de façon plus opportune. À la lumière des récentes déclarations du gouvernement concernant la transparence, il s’agit d’une disposition importante. En même temps, nous remarquons qu’aucune disposition dans le projet de loi n’oblige le SCRS à publier un rapport public parallèlement à celui qui est exigé du CST à cet égard. Dans l’intérêt de la transparence, le CSARS considère qu’il s’agit d’une lacune importante que le comité examiner dans ses délibérations.

Le projet de loi indique clairement que le CSARS et son expérience seront essentiels à la mise en œuvre des dispositions proposées. Les dispositions transitoires précisent qu’à l’entrée en vigueur de la partie I, les membres du CSARS devront être membres de l’OSSNR pour le reste de leur mandat. Les employés du CSARS conserveront leurs postes dans le cadre du secrétariat de l’OSSNR.

Ces dispositions aideront à maintenir les 30 ans et plus d’historique et d’expérience du CSARS. Comme nous l’avons dit dans notre rapport annuel, l’expérience accumulée par le CSARS et son indépendance établie signifient que nous sommes bien placés pour contribuer au succès du nouvel organisme d’examen. Le CSARS espère continuer de jouer un rôle dans le renforcement de la responsabilisation et de la confiance du public à l’égard des organismes de sécurité nationale du Canada.

Que signifient les changements proposés pour le CSARS dans l’immédiat? Bien entendu, nous continuerons d’examiner les activités du SCRS pour nous assurer qu’elles sont conformes aux lois canadiennes et aux directives ministérielles. Nous continuerons d’enquêter sur les plaintes. Celles-ci seront rapportées dans notre prochain rapport annuel.

Cependant, cela signifie également que le CSARS et son personnel, tout en continuant de travailler avec diligence pour remplir son mandat, auront néanmoins à l’esprit la possibilité de changements dans un proche avenir. En effet, nous travaillerons avec le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (BCCST) et d’autres partenaires gouvernementaux pour nous assurer que nous sommes prêts à faire la transition vers l’OSSNR.

Le CSARS utilise son financement lié à la capacité pour agrandir notre équipe de conseillers juridiques et de réviseurs déjà expérimentés afin de fournir autant de capacité à l’OSSNR que possible. Nous planifions également activement les besoins en infrastructure physique et technique d’une organisation beaucoup plus large.

Le CSARS se tourne également vers l’étranger, à la lumière de l’expérience des organismes d’examen ayant des mandats semblables pour explorer les meilleures pratiques en ce qui concerne l’examen horizontal du type dont l’OSSNR sera chargé. L’expertise existe dans ce domaine et le CSARS s’en servira pour aider à la réflexion sur la façon d’organiser l’examen de plusieurs ministères et organismes.

Le CSARS s’attend également dans l’immédiat à établir une relation de travail positive et productive avec le nouveau Comité des parlementaires. Maintenant que le CPSNR a été créé, le CSARS mettra en œuvre son engagement pour éviter les chevauchements et compléter le travail du CPSNR. Je peux facilement imaginer que l’OSSNR adopter la même approche, à la fois pour le CPSNR et le commissaire au renseignement.

Avant de conclure, j’aimerais attirer l’attention des membres du Comité sur le document qui se trouve devant vous. Il renferme un certain nombre de propositions précises de modifications qui, à notre avis, amélioreraient et préciseraient certains éléments du projet de loi.

Au lieu de toutes les passer en revue, je mettrai l’accent sur la plus importante, qui porte sur le principe selon lequel l’Office devrait déterminer lui-même sa procédure. Plus précisément, le CSARS recommande d’intégrer le libellé actuel du paragraphe 39(1) de la Loi sur le SCRS, qui énonce que le CSARS « peut déterminer la procédure à suivre dans l’exercice de ses fonctions  ». On s’assurerait ainsi que l’Office a le pouvoir de déterminer la procédure à suivre dans l’exercice de ses fonctions. Le principe selon lequel les organismes administratifs sont maîtres de leur procédure est bien reconnu.

Les autres modifications proposées par le CSARS se trouvent dans le document, et je vous laisse le soin de les examiner.

Je terminerai simplement en réaffirmant le soutien du CSARS à l’orientation du projet de loi C 59 en ce qui concerne la création du CPSNR. Cela représente un pas en avant important dans les domaines de l’examen et de la responsabilisation.

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