Discours d’ouverture au comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

Discours de Michael Doucet, Directeur exécutif du CSARS

Le 23 avril 2015

Bonjour, et merci de m’avoir invité à me présenter devant vous aujourd’hui. Lorsque le CSARS a été convié le mois dernier dans le cadre des discussions sur le projet de loi C-44, j’ai parlé de notre travail et des changements qui pourraient être nécessaires afin de nous aider à accomplir nos tâches de la manière la plus complète qu’il soit. Je voudrais aujourd’hui revenir sur le thème, et discuter des répercussions possibles du projet de loi C-51 sur le CSARS et sur la reddition des comptes en matière des activités de renseignement de sécurité au Canada.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le fonctionnement du CSARS, car on a dit du Comité qu’il travaillait « à temps partiel ». Le Comité se réunit plusieurs fois par an, et au cours de ces réunions, il établit les priorités et examine le travail entrepris par le personnel. Les membres du Comité se répartissent également les dossiers de plainte et président les audiences qui s’ensuivent.

Un effectif qui travaille à temps plein appuie le Comité. J’en fais partie en tant que directeur exécutif, et je suis responsable du fonctionnement quotidien du CSARS et de ses 18 employés à temps plein, dont neuf membres du personnel de recherche et trois avocats. L’équipe du CSARS se compose de personnes de différents horizons en termes de formation universitaire et d’expérience professionnelle, et de nombreux employés ont près de dix ans d’expérience ou plus dans la gestion de questions délicates de sécurité nationale.

Une étude type requière des centaines d’heures de travail et est menée sur quatre à cinq mois. Le personnel du CSARS passe en revue et analyse des milliers de pages de documents sur papier et dans leur version électronique; organise des séances d’information et mène des entrevues avec le personnel compétent du SCRS; et part souvent sur le terrain lorsqu’une étude porte sur un bureau régional ou un poste à l’étranger. Un rapport classifié sur les résultats de l’étude est présenté au Comité lorsqu’il se réunit. Le CSARS mène également des enquêtes sur les plaintes déposées contre le SCRS et les plaintes concernant les refus d’habilitations de sécurité.

Ainsi, bien que le Comité soit composé de membres qui siègent à temps partiel, le personnel du CSARS travaille bien à temps plein. Ayant précisé ceci, j’aimerais désormais aborder les répercussions du projet de loi C-51 sur le CSARS et sur la reddition de comptes.

Le projet de loi C-51 aura un impact considérable, non seulement sur l’efficacité même du CSARS, mais sur la reddition des comptes en matière des activités de renseignement de sécurité au Canada. L’adoption du projet de loi C-51 placerait le CSARS dans une position délicate où sa capacité à s’acquitter efficacement de ses fonctions de surveillance pourrait être compromise. Cela dit, le CSARS est évidemment en train d’évaluer la portée du budget du gouvernement fédéral présenté mardi, à savoir une augmentation importante de son budget pour améliorer sa fonction de surveillance du SCRS.

En premier lieu, les modifications législatives du projet de loi C-51 visant à donner au SCRS l’autorité de mener des activités d’atténuation des menaces, et l’obligation du CSARS d’examiner « à chaque exercice au moins un aspect de la prise, par le Service, de mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada », exigeront un important investissement en ressources, tant dans les fonctions de surveillance du CSARS que dans celles des enquêtes sur les plaintes.

La plus importante répercussion du projet de loi que nous pouvons prédire affectera le personnel de recherche, qui sera chargé de conduire l’examen des activités d’atténuation des menaces du SCRS. De telles activités sont, de par leur nature, potentiellement sujettes à controverse et/ou comportent des risques élevés, ce qui signifie que dans les années à venir, elles mobiliseront l’attention du Comité. Le nombre de plaintes que ces activités peuvent générer est difficile à prévoir, mais nous devons également nous préparer à une augmentation de celles-ci, car le CSARS fait enquête sur les plaintes qui peuvent être portées « contre des activités du Service ».

Le CSARS devra mobiliser les ressources nécessaires pour surveiller, de manière ciblée et permanente, ces nouvelles activités d’atténuation des menaces, et fournir des rapports exhaustifs et systématiques, comme l’exige le projet de loi. Le Comité devra donc prendre de difficiles décisions au cours des prochaines années pour s’efforcer de couvrir les activités encore plus vastes du SCRS.

Deuxièmement, dans notre rapport annuel 2010–2011, nous soulignions que « les mécanismes de surveillance existants, dont le CSARS, ne sont ni conçus ni outillés pour examiner à fond les activités de plus en plus intégrées du Canada en matière de sécurité nationale. » Il s’agit là d’une constatation qui est au cœur de la discussion sur la nécessité de « suivre le fil des activités », à savoir le besoin du CSARS de pouvoir évaluer et traiter les questions de sécurité nationale qui impliquent le Service et font intervenir un autre ministère ou organisme du gouvernement.

Il n’y a là rien de nouveau, mais le problème reprend de l’ampleur dans le cadre du projet de loi C-51. En 2006, la Commission O’Connor a critiqué la structure de reddition de comptes en matière de sécurité nationale, et a formulé un certain nombre de recommandations détaillées. Le juge O’Connor notait, à juste titre, que depuis le 11 septembre, les activités de nombreuses entités fédérales étaient liées, mais que les organismes de surveillance travaillaient encore en vase clos.

La capacité du CSARS à « suivre le fil des activités » et à mener des examens conjoints est absolument vitale pour la reddition de comptes. Dans le cadre du projet de loi C-51, davantage de renseignements seront partagés aux fins de la sécurité nationale. Ainsi, plus de 100 entités du gouvernement du Canada pourront partager de l’information à l’égard d’activités qui compromettent la sécurité du pays, sans pour autant qu’aucune norme claire de divulgation n’ait été établie. Le projet de loi dresse une liste de 17 ministères et agences ayant un lien avec la sécurité nationale, dont le SCRS, qui seront concernés par le partage de l’information. Mais seuls trois de ces 17 ministères et agences sont placés sous la surveillance d’organismes spécialisés. De plus, ces organismes se voient empêchés de suivre le fil de l’information de l’entité qu’ils examinent dans d’autres institutions du gouvernement du Canada, et de mener des examens conjoints. Ces contraintes législatives qui pèsent sur le CSARS rendront notre tâche de fournir des garanties solides sur les activités du SCRS au Parlement et à la population canadienne bien plus ardue.

Pour conclure, j’aimerais citer l’Examen des constats et recommandations émanant des enquêtes Iacobucci et O’Connor du Rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de 2009 :

« En l’absence d’une structure de surveillance intégrée et complète des activités de sécurité nationale, le gouvernement ne peut assurer aux Canadiens une protection efficace et efficiente contre les violations de leurs droits et libertés civiles. »

Le CSARS se réjouit à la perspective de faire partie d’une telle structure intégrée, et ce, quelle que soit la forme qu’elle prendra. Merci. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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