Discours de Michael Doucet

Conférence Evanta de l’Agent principal de la sécurité de l’information (APSI) – Vancouver, le 4 juin 2014

Présentation du CSARS (M. Doucet)

Bon après-midi (Bon matin) et merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

Dans une société démocratique, il est essentiel de bâtir et de maintenir la confiance envers les institutions publiques. C’est une tâche qui devient particulièrement importante, mais également difficile, lorsqu’une institution ne peut se soumettre à l’examen du public en raison de la nature secrète de ses activités. C’est le cas du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui a la responsabilité d’amasser des renseignements sur les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale du Canada.

En déterminant les principes fondamentaux sur lesquels s’appuie le SCRS, les responsables de la Commission royale qui a créé le service ont déclaré ce qui suit : « Dans une société libérale qui, par principe, veut limiter l’intrusion des services secrets de l’État dans la vie privée des citoyens et dans les affaires des organisations politiques et des institutions privées, les techniques d’enquête qui font irruption dans le domaine de la vie privée ne doivent être utilisées que lorsqu’elles sont justifiées de par la gravité et l’imminence d’une menace à la sécurité nationale ». La tâche d’assurer un juste équilibre a été confiée au Comité d’examen du renseignement de sécurité, ou CSARS.

Depuis trente ans, le CSARS est un maillon clé d’un système de vérifications et de contrepoids qui assure la reddition de comptes du SCRS au Parlement et au peuple canadien. Le Comité a pour mandat d’aider à assurer que le Service respecte les droits fondamentaux et les libertés des Canadiens dans son travail d’enquête sur les menaces à la sécurité nationale, au Canada et à l’étranger.

Pour commencer, j’aimerais faire avec vous un survol de mon organisation, le CSARS – qui nous sommes, ce que nous faisons et comment nous le faisons. J’espère que ce résumé vous donnera une meilleure perspective sur les assurances que nous donnons au Parlement et aux Canadiens.

Le CSARS est indépendant, ce qui signifie que c’est un organisme externe au pouvoir exécutif du gouvernement. Le Comité ne relève pas d’un ministre; il rend directement compte au Parlement. Le CSARS a le pouvoir quasi illimité d’examiner le travail du SCRS, à la seule exception des Documents confidentiels du Cabinet, c’est-à-dire les délibérations entre ministres. Il a le pouvoir absolu d’examiner toute l’information en possession du SCRS, quelle que soit sa cote de sécurité. Notre Comité se compose de trois à cinq personnes, toutes membres du Conseil privé, qui travaillent à temps partiel. Un directeur exécutif est à sa tête, et nous comptons une douzaine d’employés à temps plein, personnel de recherche et personnel juridique.

Le CSARS est un organisme professionnel qui exerce ses fonctions avec objectivité et compétence. Le Comité a trois fonctions principales : il effectue des études, remet un certificat au rapport annuel du directeur du SCRS présenté au ministre de la Sécurité publique (il s’agit là d’une nouvelle responsabilité que nous endossons) et enquête sur les plaintes. Permettez-moi de vous dresser un bref portrait de chacune de ces fonctions, et ensuite je vous donnerai un exemple concret du travail d’examen que nous faisons.

Chaque année, les études du CSARS visent à évaluer un large éventail des activités du SCRS. Il faut bien comprendre que le Comité a le pouvoir d’examiner toutes les activités et opérations du Service. Cela veut dire que nous examinons pourquoi et comment le SCRS cible des individus, la façon dont il utilise et gère les sources humaines, la manière dont il exécute les pouvoirs très intrusifs octroyés au moyen de mandats autorisés par la Cour fédérale, ses échanges d’informations avec les partenaires canadiens et étrangers, et ses opérations au Canada et à l’étranger. Compte tenu de la taille de notre effectif, nous devons être stratégiques dans nos choix, et ce afin de couvrir, en temps utile, un éventail représentatif des activités, des opérations et des programmes du SCRS.

Dans notre deuxième fonction, la procédure de remise du certificat, nous évaluons le rapport annuel du directeur du SCRS présenté au ministre de la Sécurité publique. Le rapport du directeur fournit au ministre des renseignements pour l’aider dans l’exercice de la responsabilité ministérielle à l’égard du SCRS. Le Comité examine ce rapport et donne des garanties quant à la légalité, la nécessité et le caractère raisonnable des activités opérationnelles du Service.

Enfin, nous enquêtons sur les plaintes. En vertu de l’article 41 de la Loi sur le SCRS, le Comité enquête sur les plaintes qui concernent « des activités du Service ». En vertu de l’article 42, il enquête sur celles qui ont trait au refus d’habilitations de sécurité à des fonctionnaires ou à des fournisseurs du gouvernement fédéral. Beaucoup moins souvent, le CSARS fait enquête sur des renvois de la Commission canadienne des droits de la personne ou sur des rapports du ministre concernant la Loi sur la citoyenneté.

Je voudrais vous présenter brièvement notre fonction d’examen en suivant les étapes, autant que possible, d’un de nos examens. Il n’est pas de cette année, mais je crois que le sujet, ainsi que les conclusions et les recommandations que nous avons faites vous intéresseront.

Lorsque le CSARS a fait un examen de l’utilisation d’Internet par le SCRS, nous avons voulu connaître la méthode d’enquête du SCRS sur Internet, tant sur le plan des politiques que des procédures, afin de déterminer si ces politiques et ces procédures étaient bien fondées et suffisamment souples pour s’adapter à la nature changeante d’Internet.

La contribution de plus en plus importante d’Internet à la radicalisation de personnes qui peuvent devenir des menaces pour les intérêts canadiens, tant au Canada qu’à l’étranger, est une préoccupation croissante pour la sécurité nationale. Internet joue un rôle important à toutes les étapes de cette radicalisation. Il ouvre un accès direct et sans filtre aux idéologies extrémistes, tout en offrant un lieu de rencontre anonyme et virtuel aux individus qui partagent les mêmes vues. Il offre également la possibilité de créer des liens et d’acquérir des connaissances spécialisées et des compétences qui, autrefois, ne pouvaient se transmettre que sur des camps d’entraînement outre-mer. Les terroristes potentiels ont ainsi un accès facile aux informations qui les aident à planifier et exécuter des attaques terroristes.

Cet examen s’est penché sur les stratégies, les politiques et les procédures qui guident l’utilisation opérationnelle d’Internet par le SCRS. Il a examiné de nombreuses questions, par exemple :

Pour répondre à ces questions, le CSARS a examiné le rôle et la contribution d’une unité spécialisée. Le CSARS a également examiné les activités du Service pour comprendre comment il utilise Internet pour améliorer ses méthodes d’enquête traditionnelles. Il a examiné un éventail d’information et de documents ministériels et opérationnels et a tenu des réunions.

Dans le cadre de ses recherches, le CSARS a identifié deux éléments à considérer lorsque le SCRS utilise Internet à des fins opérationnelles.

La première considération est liée à la jeunesse. Presque tous les jeunes vont sur Internet. De plus, ils sont souvent ciblés par la propagande extrémiste. Par conséquent, la probabilité que le SCRS entre en possession d’information qui concerne des mineurs dans le cadre de ses enquêtes a augmenté. Alors qu’Internet continuera de servir à la radicalisation des jeunes, les interactions du SCRS avec les jeunes Canadiens augmenteront sans doute. En effet, un grand nombre des outils de recrutement ou de radicalisation sur Internet s’adressent directement à eux. Mais dans son examen, le CSARS a mis à jour plusieurs cas où le SCRS a recueilli et divulgué de l’information sur des mineurs. Le volume d’information sur des jeunes qui est saisie, et donc conservée de façon permanente, dans les rapports opérationnels est à la hausse.

Une directive ministérielle et une directive interne du SCRS ont déjà souligné qu’il fallait accorder une considération spéciale à l’information qui concerne des jeunes. Par conséquent, le CSARS a recommandé que le SCRS insiste auprès de ses employés pour qu’ils exercent une plus grande prudence en recueillant et en conservant de l’information sur des jeunes.

La deuxième considération porte sur les sources d’information ouverte. Le SCRS obtient son mandat et ses pouvoirs de la Loi sur le SCRS, qui fixe des limites claires sur le type d’activités sur lesquelles on fait enquête, les méthodes de collecte d’information, et les personnes qui peuvent consulter cette information. Par exemple, en vertu de l’article 12, le SCRS ne devrait recueillir que « lorsque cela est strictement nécessaire », des renseignements sur des activités que l’on soupçonne « sur des bases raisonnables » de constituer des menaces pour la sécurité du Canada. Ces limites ont été réitérées et précisées dans une directive ministérielle adressée au SCRS.

Même si beaucoup d’information de source ouverte peut se trouver sur Internet, le CSARS a rappelé aux employés du SCRS que cette information doit être soumise à la même règle de « stricte nécessité » que l’information tirée des autres sources.

Des examens comme celui-ci mettent en lumière certains des changements qui se sont produits dans le milieu de la sécurité, du renseignement et certainement de la technologie dans les trente dernières années. Maintenant, il y a un débat pour déterminer si la loi qui a mené à la création du SCRS et du CSARS est aussi utile aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1984. Comme nous soulignons notre trentième anniversaire cette année, nous nous pencherons sur notre rôle – où nous avons commencé, où nous en sommes et où nous nous dirigeons. Pour plus d’information sur ce sujet, je vous encourage à jeter un coup d’oeil à notre rapport annuel qui sera publié cet automne.

Je vais terminer mon introduction ici afin de laisser du temps pour la discussion. Dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire qui a ensuite conduit à la création du SCRS au début des années 1980, se trouve une citation de l’ancien premier ministre, Lester B. Pearson qui, bien qu’ayant quelques années, demeure pertinente et d’actualité. Pearson a souligné l’importance que « la notion de protection de notre sécurité ou le travail relié à cette protection ne portent jamais atteinte aux droits de la personne ou aux libertés auxquelles nos institutions démocratiques sont attachées. » Les menaces à notre sécurité collective ont changé de nature et de portée au cours de ces trente dernières années, mais le Comité reste fidèle à cette vision dans ses tâches.

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