Discours de Chuck Strahl

Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense

Décembre 2013

Bon après-midi. Je vous remercie d’inviter le CSARS à comparaître devant le comité. C’est pour moi un privilège de m’adresser à vous et j’espère que mes observations ouvriront la porte à un échange productif.

Je voudrais commencer par saluer les autres membres du Comité, qui ne peuvent être ici aujourd’hui.

Je suis ici pour examiner avec vous le rapport annuel du CSARS 2012–2013, et discuter de nos conclusions et de nos recommandations. Je le ferai avec joie dans quelques instants, mais j’aimerais tout d’abord dresser un bref portrait des rôles et des responsabilités du CSARS, d’autant plus que notre mandat a été légèrement élargi l’année dernière par suite du démantèlement du Bureau de l’inspecteur général du SCRS.

S’il est complexe à réaliser, le rôle du CSARS n’en est pas moins relativement facile à décrire. Le CSARS a été créé pour donner l’assurance au Parlement que le SCRS se conforme à la loi dans l’exécution de son mandat et de ses fonctions. Se faisant, le Comité s’assure que le SCRS ne contrevient pas aux droits et libertés fondamentales des Canadiens lorsqu’il exécute son mandat de gardien contre les menaces à la sécurité nationale.

Le CSARS est le seul organisme indépendant et externe ayant le mandat et l’expertise pour examiner les activités du SCRS. Par « indépendant et externe », je veux dire que le CSARS est indépendant du gouvernement et ne relève d’aucun ministre en particulier, et qu’il ne doit rendre des comptes qu’au Parlement. De plus, le CSARS a l’autorité absolue pour examiner toutes les activités du Service, quels que soient la sensibilité et le niveau de classification de l’information qui est traitée. La seule exception à cette règle concerne les documents secrets du Cabinet, c’est là la seule limite à notre travail. Lors de mes entretiens à l’étranger, j’ai pu constater que ces pouvoirs et cette liberté d’accès font l’envie de nombre de mes homologues d’autres pays.

Le CSARS a trois fonctions principales : faire les examens, certifier le rapport annuel que le directeur du SCRS remet au ministre de la Sécurité publique – une nouvelle responsabilité pour nous – et enquêter au sujet des plaintes. Je vais vous présenter un bref résumé de chacune de ces fonctions.

Les examens annuels du CSARS sont conçus pour évaluer le rendement d’un vaste éventail d’activités du SCRS. Avec le temps, nous pouvons ainsi nous assurer que nous avons une bonne compréhension de toutes les activités du Service. Étant donné la taille de notre effectif, le CSARS doit choisir de façon stratégique les secteurs sur lesquels il se penche afin de couvrir en temps utile un éventail d’activités large et représentatif. Le CSARS considère notamment les événements et les nouveautés dans le domaine du renseignement, les priorités du gouvernement en matière de renseignement, les nouvelles orientations et les nouvelles initiatives du SCRS, et les problèmes soulevés dans les dossiers de plaintes examinés par le CSARS. Dans les dernières années, le CSARS a choisi de se pencher au bon moment sur certains dossiers thématiques, que je vous décrirai dans quelques instants.

Notre processus de certification nous demande d’évaluer le rapport annuel du directeur du SCRS qui est présenté au ministre de la Sécurité publique. Le rapport du directeur donne au ministre l’information qui l’aide à exercer ses responsabilités ministérielles au SCRS. Le CSARS examine ce rapport et donne ensuite des assurances sur le plan juridique, sur le caractère raisonnable et sur la nécessité des activités opérationnelles du SCRS décrites dans le rapport.

Finalement, le CSARS enquête sur les plaintes, qui peuvent prendre différentes formes. En vertu de l’article 41 de la Loi sur le SCRS, le CSARS enquête sur « toute activité du Service ». En vertu de l’article 42, le CSARS enquête sur les plaintes concernant les refus ou les révocations de cotes de sécurité des employés du gouvernement fédéral ou des entrepreneurs. Enfin, ce qui est beaucoup plus rare, le CSARS mène des enquêtes sur les renvois de la Commission canadienne des droits de la personne, ou sur des rapports du ministre au sujet de la Loi sur la citoyenneté.

Le rapport annuel, qui est le sujet de ma présence ici, est une compilation des travaux effectués dans le cadre de ces trois fonctions. Dans le rapport annuel du CSARS pour l’exercice 2012–2013, nous avons inclus des résumés déclassifiés sur les neufs examens et les cinq cas de plaintes qui ont été traités, ainsi que sur notre première certification.

Dans l’ensemble, nous évaluons que les activités et les enquêtes du SCRS concernant les menaces à la sécurité nationale du Canada ont respecté les règles de droit. De même, nous estimons que le SCRS a mené ses activités à l’intérieur de son mandat. Les résultats de cette évaluation ont été appuyés par notre premier certificat, dans lequel le CSARS conclut que les activités, telles que décrites dans le rapport, ont été conformes à la Loi sur le SCRS et aux directives ministérielles, et constituaient un exercice raisonnable et nécessaire des pouvoirs du Service. Le CSARS a cependant souligné que les prochains rapports du directeur du SCRS allaient devoir comprendre une description plus détaillée des activités de la section 16 (renseignement étranger) et des activités opérationnelles outremer.

Même si nous sommes généralement satisfaits du rendement du Service, je voudrais mentionner brièvement quelques préoccupations que nous avons eues au cours de notre évaluation, et les recommandations que nous avons faites pour régler ces problèmes.

Il ne fait aucun doute dans notre esprit que le partage de l’information est à l’avant-plan des questions qui méritent notre attention soutenue. Alors que le travail des agences de renseignement pour recueillir l’information sur les différentes menaces à la sécurité nationale est de plus en plus intégré, le CSARS doit examiner étroitement comment le SCRS coopère et échange de l’information avec ses partenaires du pays et de l’étranger.

Par conséquent, le CSARS a fait deux études sur la relation du SCRS avec le CSTC. Nous avons établi qu’une collaboration plus étroite entre le SCRS et le CSTC posait un risque important d’érosion du contrôle du SCRS sur l’information qu’il transmet au CSTC, et par extension, à la collectivité des « Five Eyes ». Le CSARS est arrivé à la même conclusion après l’examen d’un nouveau mandat donné au SCRS qui comportait le risque qu’un partenaire du « Five Eyes » puisse agir de façon indépendante avec de l’information provenant du SCRS. Nous avons recommandé que le SCRS établisse des principes globaux de collaboration plus clairs et plus robustes avec le CSTC, et qu’il élabore un régime de restrictions et de garanties avec tous les partenaires du « Five Eyes » pour s’assurer un meilleur contrôle de ses renseignements.

Le CSARS s’est également penché sur les activités du SCRS à l’étranger. Deux de nos études ont porté sur ces activités, qui sont en pleine transformation et en pleine croissance. Le CSARS a trouvé, dans l’ensemble, que ces initiatives de collecte de renseignements à l’étranger ont été à la fois mesurées et prudentes, et ne se sont pas faites aux dépens des responsabilités intérieures du SCRS. En examinant l’approche de représentation du SCRS à l’étranger, le CSARS a trouvé à la fois des défis et des occasions à saisir. Il a recommandé que le SCRS prenne des mesures pour s’assurer que les documents internes qu’il utilise pour gérer plus efficacement ses partenariats à l’étranger soient précis, complets, à jour et pertinents.

Dans un même temps, le CSARS est conscient qu’il faut examiner les activités du SCRS qui portent sur les menaces qui ne sont pas terroristes. Pour cette raison, le CSARS a examiné comment le SCRS enquête sur les activités d’espionnage et les activités chapeautées par des nations étrangères, et dont la menace est variable. Nous avons conclu qu’il est difficile de faire la distinction entre des activités clandestines et des activités diplomatiques légitimes et nous avons recommandé au SCRS de peaufiner ses politiques et ses pratiques au moyen de critères communs et cohérents qui permettent de déterminer quand une activité franchit la ligne.

Dans les dernières années, le CSARS a également voulu faire des examens « de base » des activités du Service dans de nouveaux secteurs. Cette année, le CSARS s’est penché sur la sécurité du périmètre nordique du Canada, une priorité pour le gouvernement. Le CSARS a trouvé que la gestion actuelle du SCRS était suffisante, mais a recommandé qu’il fasse des efforts pour que les futures initiatives nordiques reçoivent des ressources appropriées et ciblées.

Finalement, le CSARS a examiné le rôle du SCRS dans le dossier de M. Abousfian Abdelrazik. Les objets de préoccupations du CSARS étaient que : le SCRS a divulgué de façon inappropriée de l’information classifiée; le SCRS a fait une évaluation du renseignement qui a eu pour conséquence de transmettre de l’information exagérée et inexacte à des partenaires au pays; et qu’il a rapporté de façon excessive de l’information qui n’était pas liée à la menace, provenant de personnes qui n’étaient pas des cibles. Dans la décennie qui s’est écoulée depuis que M. Abdelrazik a quitté le Canada pour une première fois, le CSARS et d’autres commissions d’enquête ont fait de nombreuses recommandations qui devraient s’appliquer dans ce dossier. Par conséquent, le CSARS n’a fait aucune autre recommandation à la suite de son examen.

Cependant, ce que cet examen a mis en lumière, selon nous, ce sont les limites qui empêchent le CSARS de suivre l’information lorsqu’elle est transmise à d’autres ministères ou agences fédérales. Depuis de nombreuses années, le CSARS répète que même si ces pouvoirs d’examen des activités et des opérations du SCRS sont élargis, ils ne sortent pas du cadre du SCRS. Alors que l’intégration et le partage d’information deviennent de plus en plus le modus operandi dans le domaine du renseignement, le CSARS croit qu’il devrait avoir les outils nécessaires pour suivre et évaluer efficacement les activités du SCRS. Comme il est dit dans notre rapport annuel, le CSARS doit posséder les outils législatifs et les ressources gouvernementales correspondantes pour s’assurer que la fonction de vérification qui fait partie de son mandat demeure utile et efficace.

En fait, lorsque les activités de surveillance généralisées et controversées de nos voisins américains ont été révélées au monde entier, la consternation a été telle que les agences de renseignements se sont vues demander de répondre à de plus grandes exigences de reddition de comptes. La recrudescence des mesures de sécurité collective prises à la suite des attentats du 11 septembre a créé un sentiment de crainte pour les droits individuels et le respect de la vie privée, et le sentiment qu’il fallait resserrer la surveillance des agences de renseignement. Au Canada, cette volonté s’est exprimée par des demandes accrues de contrôle parlementaire sur la collectivité du renseignement.

Le CSARS espère avoir l’occasion de contribuer à ces discussions en partageant ses réflexions et son point de vue. Entretemps, nous continuerons de faire notre travail et de vérifier le rendement du SCRS, tout en nous assurant que ses activités ne violent pas les droits et libertés des Canadiens.

Merci de m’avoir permis de m’adresser à vous cet après-midi. Je voudrais terminer en soulignant à quel point sa relation avec le Parlement est importante pour le CSARS. En effet, lorsque les législateurs ont créé cet organisme il y a presque trente ans, notre rapport annuel devait permettre de tenir le Parlement informé des activités du SCRS. Dans son premier rapport annuel, présenté en 1985, le Comité a souligné qu’il croyait « que les parlementaires voulaient qu’il agisse en autonomie » pour que le SCRS « traite chaque Canadien avec équité, tout en protégeant la sécurité nationale contre les menaces non militaires. » Près de trente ans plus tard, le CSARS conserve toujours cette vision. Et pour cette raison, nous sommes heureux d’être invités à comparaître devant vous.

Je vous remercie de votre attention. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

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