Discours à l'Université du Manitoba

L’honorable Gary Filmon,
Président, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité

 « La sécurité nationale et la prospérité économique »

Associates de l'école des affaires I.H. Asper
Université du Manitoba
5 avril 2006

Je vous remercie beaucoup de votre invitation qui m’a fourni l’occasion de vous entretenir aujourd’hui.

Comme vous le savez sûrement, je ne suis pas diplômé de la Faculté de gestion, mais j’ai eu beaucoup à voir avec les « associés » au début des années 90, lorsque notre gouvernement a pris l’engagement important de verser le même montant que ce que recueilleraient les « associés » et réaffecté des fonds de l’université pour rehausser la réputation d’excellence de l’école Asper.

Ce fut une décision difficile, car le Canada traversait alors la deuxième des pires récessions du siècle et la province s’était par ailleurs engagée à équilibrer un budget qui était déficitaire depuis une vingtaine d’années. Les résultats montrent toutefois que le jeu en a valu la chandelle, car la I.H. Asper School et ses diplômés sont encore tenus en haute estime par la grande entreprise canadienne.

Bien sûr, Dean Feltham et ses collègues jouent un rôle fondamental dans le développement de la prochaine génération de chefs d’entreprise canadiens, et je les en félicite.

Comme vous le savez peut-être, je suis un fier diplômé de l’Université du Manitoba, mais le temps que j’ai passé à la Faculté de génie et au sein du gouvernement et de la grande entreprise m’a convaincu que nous avons beaucoup de choses en commun.

J’ai eu un peu de mal à choisir mon sujet d’aujourd’hui, tout d’abord parce que Jim Lawton m’avait averti que les « associés » n’acceptaient pas d’exposés politiques partisans (par contre, peut-être aurez-vous des questions appelant une réponse partisane), mais aussi parce que ma nomination par le Cabinet fédéral me place désormais dans un rôle fortement apolitique.

Cet après-midi, je veux vous entretenir de la sécurité nationale du Canada et de ses liens avec la prospérité économique. Mais je ne le ferai pas dans la seule optique du président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité du Canada… ou CSARS, comme on l’appelle.

La relation entre la sécurité nationale et la prospérité économique n’est généralement pas un sujet de discussion, mais c’en est un auquel les chefs d’entreprise d’ici, à Winnipeg, et de tout le pays devraient réfléchir davantage, à mon sens.

Si je dis cela, c’est que, dans l’économie mondiale actuelle, les possibilités de prospérité s’accompagnent de graves menaces à la sécurité.

Bien sûr, quand je dis menaces, je ne vise pas la concurrence légitime qui se joue au Canada ou à l’étranger, mais bien les activités criminelles et terroristes et celles d’espionnage par des individus, des organisations et des pays étrangers.

Nous, gens d’affaires, savons que les marchés abhorrent l’instabilité sous toutes ses formes. Les activités comme celles que je viens de mentionner sapent notre économie et menacent la capacité du Canada à concurrencer sur la scène mondiale. Il nous importe donc de comprendre ces menaces à la sécurité et leur incidence possible sur notre prospérité économique.

Cet après-midi, je vous parlerai de certaines de ces menaces, mais aussi du rôle important que joue à leur égard le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS… et de celui du CSARS, qui en surveille les opérations.

Conditions de réussite économique

Commençons tout d’abord par rappeler les facteurs qui contribuent à la stabilité sociale et à la prospérité économique du Canada. Ces facteurs sont l’administration publique et les institutions sociales efficaces… le respect de la primauté du droit et des droits individuels… et, bien sûr, une économie de marché féconde, fondée sur la saine circulation des capitaux, des biens, des personnes et des connaissances.

Ces facteurs ont aidé le Canada à atteindre un niveau de richesse sans précédent au fil des dernières décennies. Aujourd’hui, notre pays est dans la position enviable d’être le seul grand pays industrialisé à accuser des excédents, tant dans ses budgets fédéraux que dans ses activités commerciales et ses comptes courants. Sa croissance économique est la meilleure de tout le G7 depuis plus de cinq ans. Notre dollar est plus fort qu’il ne l’a jamais été en vingt ans et le taux de chômage, surtout dans l’Ouest canadien, est à son plus bas niveau depuis les années 70. Nous bénéficions de hausses impressionnantes sur les plans du revenu familial, des bénéfices et des recettes fiscales.

Cependant, si nous voulons maintenir cette prospérité, nous devons être prêts à faire face aux nouvelles menaces à la sécurité… et manifester notre volonté de protéger nos intérêts économiques vitaux.

Le terrorisme international

La menace la plus sinistre à laquelle le Canada et les autres démocraties doivent faire face de nos jours est le terrorisme international.

Ironiquement, les conditions mêmes qui ont suscité la croissance de l’économie mondiale ont aussi permis au terrorisme de fleurir. La communication et la mobilité accrues… et l’ouverture de nos systèmes économiques et technologiques… ont permis à des extrémistes de se cacher au sein de nos sociétés et de perpétrer des attentats terroristes dans une impunité relative. Les conséquences ont été énormes sur les plans humain et économique.

Le 11 septembre demeure l’action terroriste la plus saisissante. Ces attentats, perpétrés par une poignée de terroristes déterminés d’Al-Qaïda, ont fait plus de 2 600 morts au World Trade Centre et 125 au Pentagone, tandis que 256 autres personnes ont péri à bord de quatre avions détournés.

Au nombre des victimes dans les tours figuraient 24 Canadiens et Canadiennes innocents… dont Christine Egan, une infirmière de 55 ans de Winnipeg.

Outre ce tribut horrible, l’attentat contre le World Trade Centre a coûté à l’économie américaine un montant estimé à 30 milliards de dollars en biens perdus et en assurances.

Comme le souligne Thomas Homer-Dixon de l’Université de Toronto : « les gens craintifs, inquiets et affligés ne sont pas des consommateurs exubérants. Ils agissent avec prudence et économisent davantage. La demande à la consommation baisse, les placements diminuent dans l’entreprise et la croissance économique ralentit ».

D’après Homer-Dixon, si l’on tient compte des réactions psychologiques, l’impact véritable du 11 septembre sur le ralentissement de la croissance économique et la perte de valeur comptable pourrait dépasser un billion de dollars.

Un exemple plus récent du terrorisme d’Al-Qaïda nous vient des attentats à la bombe perpétrés en juillet dernier contre le réseau de transport de Londres, tuant des dizaines de personnes, en blessant des centaines et entraînant des pertes estimées à 300 millions de livres pour le tourisme en Grande-Bretagne.

Ce type de terrorisme astucieux et meurtrier nourrit deux objectifs principaux : saper notre droit fondamental à la sécurité humaine et porter un préjudice pécuniaire maximal aux nations modernes industrialisées.

Voilà pourquoi il est si important que le milieu d’affaires ait un tableau complet de l’actuel contexte menaçant auquel le Canada fait face… et qu’il apprécie le travail des organismes chargés d’assurer la sécurité nationale du Canada.

Contexte actuel de la menace

Les attentats à la bombe perpétrés à Londres… et les attentats meurtriers de Madrid, l’année précédente,… devraient rappeler sans cesse aux Canadiens à quel point nous tenons notre sécurité pour acquise.

Le sentiment de sécurité matérielle est fondamental à l’exercice de tous les autres droits que nous confère une société libre et démocratique. La sécurité suscite des conditions qui nous permettent d’investir, de vivre et de travailler sans crainte. Elle est le fondement de notre prospérité économique et de notre qualité de vie. Aussi est-il vital que nous conservions à la fois la volonté et les moyens de la protéger.

Dans un document récent, intitulé Un plan de leadership canadien dans un monde en transformation, le Conseil canadien des chefs d’entreprise souligne la nécessité que le Canada améliore sa compétitivité dans une économie mondiale en pleine transformation. Écrivant depuis les « lignes de front » du commerce mondial, pour reprendre ses termes, le Conseil prévient que les Canadiens sont devenus « dangereusement complaisants » au sujet d’un large éventail de nouveaux enjeux risquant de compromettre la capacité de notre pays à soutenir le bien-être de ses citoyens.

Et le Conseil qualifie le terrorisme international de l’un des plus grands enjeux, ce qui n’est pas étonnant, du moins dans mon optique.

Je ne dis pas que le Canada évite ces enjeux. Il a montré qu’il fait ce qu’il faut pour faire échec au terrorisme et accroître la sécurité internationale. Le meilleur exemple en est le déploiement de nos troupes en Afghanistan. Des Canadiens et des Canadiennes sont sur les lignes de front de la guerre à la terreur et ils y demeureront dans un avenir prévisible.

Cet engagement à faire échec au terrorisme est fondé sur la reconnaissance du fait que le Canada… et ses citoyens… ne sont pas à l’abri du terrorisme.

À la suite des attentats à la bombe perpétrés à Londres, Al-Qaïda a publié à nouveau sa liste des pays visés par l’action terroriste et, pour la deuxième fois, le Canada y figure. En fait, des six pays nommés par Oussama ben Laden, le Canada est le seul à ne pas encore avoir subi d’attentat sur son propre territoire.

Parlant du risque de violence terroriste au pays, le directeur du SCRS, Jim Judd, a confirmé récemment en public que le Service reconnaissait ceci, depuis un certain temps : la question n’est pas de savoir « si » un attentat aura lieu, mais plutôt « quand ».

Le terrorisme au Canada

Les attentats de Madrid et de Londres mettent aussi en lumière certaines difficultés auxquelles se heurtent les démocraties comme la nôtre lorsqu’il s’agit de prévenir les attaques contre d’innocents civils.

L’ouverture de notre pays… et son caractère démocratique et multiculturel… le rendent attrayant aux yeux des terroristes. En effet, le SCRS a fait observer qu’il y a plus de groupes terroristes internationaux actifs au Canada que dans n’importe quel autre pays du monde… sauf aux États-Unis, peut-être.

Chez nous, les terroristes sont liés aux conflits religieux, ethniques et nationalistes du monde entier. Ils sont au Canada parce que c’est un lieu relativement sûr où recruter… recueillir des fonds... faire du lobbying au moyen d’organismes de façade… user de coercition à l’encontre de communautés d’immigrants et les manipuler… et coordonner le mouvement illégal de personnes en provenance et à destination des États-Unis.

Les attentats à la bombe commis à Londres montrent la vulnérabilité particulière des démocraties occidentales aux menaces que représentent les convertis, « issus de chez nous », à l’extrémisme islamique. Les terroristes auteurs de ces deux attaques étaient tous citoyens britanniques. Trois des auteurs du premier attentat étaient nés au Royaume-Uni, tandis que les autres avaient obtenu la citoyenneté britannique après y avoir immigré.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce n’est pas parce que le Canada n’a pas subi d’attaque d’Al-Qaïda que nous en sommes exempts. Des Canadiens et des résidants du Canada ont été mêlés à des attentats et à des conspirations terroristes dans le monde entier… et ces terroristes « issus de chez nous » pourraient représenter une menace pour notre propre pays.

Certains d’entre vous ont peut-être lu qu’Al-Qaïda avait tenté récemment de s’en prendre à des installations pétrolières vitales en Arabie saoudite et que, s’il avait réussi, cet attentat aurait pu perturber l’approvisionnement pétrolier mondial et porter un dur coup aux économies industrialisées. Imaginez seulement ici un tel scénario : « Dieu nous en protège ».

Le Canada est un grand producteur… et fournisseur de pétrole et de gaz à la superpuissance économique mondiale que sont nos voisins du Sud… Ses infrastructures de pipeline sont fortement exposées et très vulnérables, ce qui en fait une cible idéale. Si un tel attentat se produisait, ce serait catastrophique. On ne parlerait pas d’un repli du marché d’une journée, mais d’un dur choc économique qui aurait des répercussions à long terme. Nous devons demeurer vigilants.

Le rôle du SCRS dans la lutte au terrorisme international

Vu la menace que représente le terrorisme international, il ne faut pas s’étonner que la lutte à ce fléau soit la toute première priorité du SCRS… ses enquêteurs s’employant à empêcher que des actes terroristes soient préparés ou perpétrés au Canada… et frappent des Canadiens à l’étranger.

Le Service consacre d’importantes ressources à enquêter sur les cibles, groupes ou individus qui représentent une menace à la sécurité du Canada. Certaines de ces enquêtes durent depuis quelque temps, d’autres sont assez récentes.

Le SCRS conseille le gouvernement presque chaque jour par ses évaluations de la menace. Ces documents jaugent l’ampleur et l’urgence des menaces terroristes au Canada ou à l’étranger et permettent aux organismes de renseignement et d’exécution de la loi de demeurer au fait des nouvelles menaces mondiales.

Le Service assure aussi le filtrage de sécurité des demandes d’immigration et de statut de réfugié à la frontière afin de dépister les terroristes et de les empêcher d’entrer au pays. Au Canada, il mène des entrevues dans les communautés ethniques pour nouer des contacts et établir une présence, afin de gagner la confiance et d’empêcher l’extrémisme de s’enraciner.

La criminalité transnationale

Une autre réalité de la nouvelle économie mondiale est la criminalité transnationale.

Par suite des avancées technologiques des 20 dernières années, la frontière nationale n’a plus aucun rapport avec les télécommunications et les transactions financières, et les groupes terroristes et criminels ont pu étendre leurs tentacules à l’échelle du globe.

Selon les chiffres estimatifs des Nations Unies, la criminalité transnationale coûte aux pays développés 2 p. 100 de leur produit national brut annuel. Cela signifie qu’au Canada,… dont le PNB est de quelque 1,3 milliard de dollars,… ce coût peut atteindre 26 milliards de dollars par année… soit environ les deux tiers du PIB du Manitoba.

Le SCRS a identifié des dizaines de groupes criminels transnationaux au Canada, dont les triades asiatiques, les cartels colombiens, le yakuza japonais, les groupes de jeunes délinquants (posses) jamaïcains, les groupes mafieux des États-Unis, de la Calabre et de la Sicile, les mafiyas de Russie et d’Europe de l’Est, les organisations criminelles nigérianes et presque toutes les principales bandes de motards hors-la-loi.

Les activités criminelles de ces organisations englobent la fraude à l’assurance à grande échelle, le pillage des ressources naturelles, le crime contre l’environnement, le passage de clandestins, la fraude bancaire, la fraude de la taxe sur l’essence et la corruption. On trouve ces groupes partout où il y a de gros sous en jeu.

La Sous-section de la criminalité transnationale du SCRS renseigne le gouvernement sur la menace de ces groupes pour la sécurité de notre nation. Plus précisément, le Service enquête sur les menaces à l’intégrité des institutions financières canadiennes et des secteurs clés de l’économie du pays… il scrute les institutions publiques et les programmes pour déceler la corruption et la fraude… et il enquête sur les efforts déployés par d’importants groupes criminels transnationaux pour implanter des bases d’opération au Canada.

De plus, le SCRS collabore étroitement avec le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada… qui recueille des renseignements financiers sur les menaces à la sécurité nationale. Ces renseignements l’aident à déceler, prévenir et décourager le financement du terrorisme au Canada.

Le blanchiment d’argent

Une autre menace grave à l’économie du Canada est le blanchiment d’argent. On estime qu’entre 5 et 17 milliards de dollars sont blanchis au Canada chaque année.

Ce type de blanchiment d’argent à grande échelle, qui passe par les institutions financières légitimes, peut assombrir le climat de l’investissement et la confiance des consommateurs. Les grosses sommes d’argent en cause, combinées à la volonté de recourir à la violence, permettent aux criminels et aux terroristes de se livrer à la corruption, à l’extorsion ou à la coercition à l’endroit des employés des institutions financières et de l’État.

Toutes les menaces que je viens de mentionner… le terrorisme international, la criminalité transnationale et le blanchiment d’argent… sapent le fonctionnement légitime d’une économie de marché libre. Elles vont à l’encontre de l’ordre public… minent le sentiment de sécurité des gens et leur confiance dans les institutions financières… et, en dernière analyse, représentent un écueil grave pour notre bien-être économique et social.

L’espionnage économique

La dernière menace dont je voudrais vous entretenir est celle de l’espionnage économique. Bien que moins visible, elle n’en est pas moins préjudiciable aux intérêts du Canada en matière de sécurité.

La meilleure description de l’espionnage économique est l’action illégale ou coercitive de gouvernements étrangers pour se procurer des renseignements économiques propres au Canada.

Le Canada est un chef de file mondial dans bien des domaines de haute technicité… aérospatiale, biotechnologie, produits chimiques, communications, technologie de l’information, mines et métallurgie… et technologies nucléaires, pétrolières et gazières. Le ciblage et le vol de renseignements économiques propres au Canada entraînent la perte de contrats, d’emplois et de marchés et la diminution de l’avantage concurrentiel.  En un mot, cela nous coûte des milliards de dollars par année.

L’espionnage étranger au Canada comprend le cambriolage de bureaux… le piratage de bases de données… le recrutement d’employés ou de consultants qui ont accès à des renseignements de nature délicate… et l’exploitation illégale de coentreprises.

À titre d’exemple, citons le cas de ce scientifique étranger, œuvrant dans le secteur de la biotechnologie, qui a volé des cultures de laboratoire et des guides confidentiels. La société canadienne y a perdu de précieuses données de recherche et de développement… et d’importants gains possibles.

Dans un autre cas, une société canadienne… espérant obtenir un lucratif contrat gouvernemental d’un pays étranger… a autorisé un ressortissant de ce pays à travailler à un projet comportant une technologie de pointe névralgique. Le gouvernement étranger a simplement copié la technologie à partir de l’information recueillie par sa source bien informée.

Le SCRS s’emploie à faire échec à ce type d’espionnage en surveillant les activités d’agents de renseignement étrangers connus ou présumés… et en empêchant d’entrer au pays les visiteurs, étudiants et délégués étrangers soupçonnés d’activités de renseignement clandestines.

L’espionnage étranger ne se limite pas au territoire du Canada. Les gens d’affaires canadiens qui vont à l’étranger y prêtent aussi le flanc. Un gouvernement étranger peut agir plus facilement à l’intérieur de ses propres frontières, les chambres d’hôtel, restaurants, bureaux et systèmes de télécommunication y donnant prise à l’espionnage économique.

Un élément clé des efforts du Service pour combattre l’espionnage économique est son Programme de sensibilisation et de liaison à l’intention des sociétés canadiennes. La participation à ce programme volontaire permet aux entreprises canadiennes de mieux saisir la menace de l’espionnage et de prendre les mesures de protection voulues.

Acquisitions étrangères

Un autre sujet de nouvelles récentes est l’acquisition par des intérêts étrangers de sociétés et de technologies canadiennes névralgiques… ce qui permet à d’autres pays d’obtenir un intérêt stratégique dans notre économie.

Cela m’inquiète beaucoup. Pourquoi? Parce que certaines des sociétés d’État qui cherchent à s’implanter au Canada sont dirigées par les gouvernements mêmes qui nous soumettent à l’espionnage économique.

En qualité de gens d’affaires, nous savons qu’un marché ouvert, soumis à une saine concurrence et à une intervention gouvernementale limitée,… est dans l’intérêt supérieur de tous. Mais si la lutte est déloyale et que la concurrence est un autre pays… qui déploie tous les coups fourrés possibles pour saper la sécurité de la nation, notre gouvernement a alors la responsabilité d’intervenir.

C’est ce qui est arrivé en juin dernier lorsque le précédent gouvernement fédéral a présenté, à l’égard de la Loi sur Investissement Canada, des modifications visant à permettre l’examen… et le gel éventuel d’investissements étrangers, pour le motif qu’ils représentent une menace à la sécurité nationale.

Ces modifications … visant à harmoniser nos lois avec celles des autres pays du G8… sont restées en plan lors du déclenchement de l’élection fédérale. J’espère que le nouveau gouvernement les présentera de nouveau. À mon avis, il y a longtemps que ces modifications auraient dû être faites, car elles aideraient à conserver aux mains de Canadiens des secteurs névralgiques de notre économie.

Comme vous pouvez le voir, le service de renseignement du Canada fait face à bien des enjeux dans ses efforts pour écarter les menaces à la sécurité matérielle et économique du pays. La complexité et le simple volume de ces menaces signifient que le SCRS doit être très astucieux et beaucoup plus proactif dans sa collecte de renseignements… ce qui pourrait l’amener à franchir les limites de ce qui est acceptable dans notre pays.

Et c’est là que le CSARS entre en scène. Notre Comité veille à ce que les opérations et les activités du Service soient menées conformément au rôle et au mandat que lui confère la Loi sur le SCRS.

Relations du CSARS avec le SCRS

Pour comprendre pleinement le rôle du Comité, arrêtons-nous quelques instants à la création du SCRS et du CSARS.

Avant 1984, au Canada, le renseignement de sécurité était l’affaire du Service de sécurité de la GRC qui, en sa qualité de force de police, était indépendante du gouvernement, ce qui évitait toute ingérence politique dans ses opérations courantes.

Tout cela a changé à la fin des années 70, par suite d’une série de scandales… dont le plus infâme a été l’incendie d’une grange servant de lieu de rencontre à des intellectuels québécois de gauche. Ces scandales ont mené à la création de la Commission d’enquête (McDonald) concernant certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada, qui a fait rapport en 1981… et dont les recommandations ont entraîné la dissolution du Service de sécurité de la GRC.

Le rapport du juge McDonald a aussi mené à l’adoption de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité le 16 juillet 1984, qui a fait du Canada l’un des premiers gouvernements démocratiques du monde à doter son service de sécurité d’un cadre juridique.

Pour la première fois, le Canada avait une loi qui définissait clairement le mandat et les limites du pouvoir de l’État en matière de renseignement de sécurité. Et, fait tout aussi important, la Loi sur le SCRS instituait un cadre qui permettait de contrôler ce pouvoir et qui, dans l’ensemble, a su résister à l’épreuve du temps.

La Loi sur le SCRS confère au Service des pouvoirs d’enquête considérables sur les menaces à la sécurité nationale, mais elle prévoit aussi, quant à la reddition de comptes, plusieurs mesures visant à éviter que l’on abuse de ces pouvoirs. Elle décrit en détail comment le travail du Service doit être surveillé par un système rigoureux de contrôle politique et judiciaire… comprenant un inspecteur général qui relève directement du ministre de la Sécurité publique… et notre propre organisme indépendant de surveillance de l’extérieur, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.

Essentiellement, le CSARS a deux fonctions : effectuer des études sur les activités du SCRS et enquêter sur les plaintes dont celui-ci est l’objet. Il a le pouvoir absolu d’examiner toutes les activités du SCRS, si délicate que soit l’information en cause et quel qu’en soit le niveau de classification. La seule exception consiste dans les renseignements confidentiels du Cabinet, soit les discussions entre les ministres.

Études

Les études du CSARS consistent à évaluer les activités du SCRS au moyen de quatre instruments qui, ensemble, forment le cadre législatif et stratégique du Service. Ce sont : 1) la Loi sur le SCRS; 2) les instructions ministérielles; 3) les exigences nationales en matière de renseignement de sécurité; et 4) la politique opérationnelle du SCRS.

Dans chacune de ses études, le Comité tente de répondre à plusieurs questions essentielles :

Plaintes

La deuxième fonction du CSARS consiste à enquêter sur les plaintes que lui présentent des personnes ou des groupes au sujet du SCRS, à savoir :

Lorsque le CSARS traite un dossier de plainte, il a tous les pouvoirs d’une cour supérieure. S’il reconnaît sa compétence, il fait enquête dans le cadre d’une audience quasi judiciaire, présidée par un ou plusieurs de ses membres que seconde le personnel juridique.

Les dossiers de plaintes peuvent être très complexes, comptant de multiples documents, transcriptions et autres preuves. Une fois l’audience terminée, le président présente, à la fois au Ministre et au directeur du SCRS, un rapport contenant des constatations et des recommandations. Une fois les constatations du CSARS expurgées des renseignements qui ont une incidence en matière de sécurité nationale, elles sont aussi communiquées par écrit au plaignant.

Si le CSARS constate que les activités du SCRS sont à l’abri de tout reproche, il en fournit l’assurance au plaignant. Si certaines questions le préoccupent, il les expose dans son rapport au directeur du SCRS et au Ministre et, si possible, dans un résumé expurgé destiné au plaignant.

Rapport annuel

J’aimerais aussi mentionner que le CSARS présente un rapport annuel qui est déposé au Parlement, et qui est donc public. Il y fait état de ses diverses études et de toutes les plaintes qui ont fait l’objet d’enquêtes. Comme le Comité est tenu par la loi de protéger la sécurité nationale et la vie privée, son rapport annuel ne peut que résumer ses rapports internes, qui sont classifiés. Cependant, les 21 rapports annuels publiés par le CSARS depuis sa création sont tous affichés sur son site Web, à www.sirc-csars.gc.ca.

Conclusion

Après plus de deux décennies d’expérience du système canadien, la plupart des observateurs reconnaissent, je crois, que le Canada « a vu juste ». Ils diraient que les organismes de surveillance du Canada ont aidé à faire du SCRS un service de renseignement plus professionnel et plus efficace.

Oui, nous voulons que le Canada ait une forte capacité à faire face au terrorisme et aux autres menaces à la sécurité de notre nation. Mais en même temps, la raison d’être du CSARS est de veiller à ce que le SCRS maintienne un respect absolu de la primauté du droit.

Vingt ans après sa création, le CSARS n’a jamais été plus actuel, compte tenu surtout du contexte de sécurité complexe et explosif dans lequel nous vivons.

En maintenant le traditionnel équilibre canadien entre la sécurité du public et les droits individuels, le CSARS joue un rôle vital pour ce qui est de préserver les valeurs qui font de ce pays un endroit si merveilleux où vivre et faire des affaires.

Voilà pourquoi la sécurité nationale est si importante pour notre bien-être économique, mes amis. Je suis fier de présider le CSARS, car le Comité aide à préserver une société libre et démocratique… et, dans le processus… il permet aux Canadiens de poursuivre l’édification d’une économie dynamique et prospère.

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